Cet été l'aînée des petites filles de Zhom (9 ans)

a voulu que je lui apprenne à tricoter.

Avec pas mal d'aide, elle a fait cette petite écharpe

pour sa poupée Barbie.

Le premier novembre, elle est revenue

avec ses parents et ses frères,

et la première chose qu'elle m'a demandé,

c'est de pouvoir tricoter.

Je lui ai monté les mailles,

fait les deux premiers rangs,

et elle s'est débrouillée toute seule !

 Elle a même géré toute seule le changement de couleur !

Je suis fière d'elle car elle n'avait pas touché

"une baguette", c'est comme cela qu'elle appelle les aiguilles,

depuis 3 mois, et elle a tout retenu.

Du coup, un de ses frères, 7 ans,

voulait aussi que je lui apprenne,

mais j'ai botté en touche,

nous étions nombreux , et je préfère être au calme

pour ce type d'occupation.

Par contre, je leur ai fait voir les mitaines que je me suis tricotées.

Du coup il m'en a demandé.

A la question, tu les veux de la même couleur,

la réponse a été :

"les mêmes que toi, en plus petit évidemment" 

Et voilà donc la première

 Si j'ai le temps, je lui ajouterai un bonnet.

Ces petits travaux sont acceptables,

 pour mon bras qui n'aime pas les mouvements répétitifs.

Ce sont les petits enfants de Zhom,

leurs parents leur ont bien fait la leçon pour qu'ils m'appellent Fabienne,

mais même devant eux, ils m'appellent Mamie,

ce qui me fait vraiment plaisir,

car cela prouve que nous avons établi une belle relation.

Le devoir d'Heure Bleue

m'a fait me remémorer une péripétie, 

que nous avons vécue, mes sœurs, mon frère et moi.

Nous sommes arrivés à St Gilles Croix de Vie  (Vendée)  en février 1970.

Nous quittions une grande maison avec un grand jardin,

pour une maison un peu plus petite, sans jardin pour jouer,

ma mère ayant fait planter des arbres partout.

C'est sans doute la raison pour laquelle elle

a du trouver que les dunes seraient un grand jardin pour nous.

Elle nous y a conduits un début d'après-midi,

et nous a laissés tout les quatre, tous seuls,

il n'y avait personne d'autre que nous.

Nous avions respectivement :

11 ans et demi, 10 ans et demi, 7 ans et demi, et 5 ans et demi.

Je pense que c'était en avril, ou mai.

Nous nous sommes "amusés" dans les blockhaus,

Lieu :
Saint Gilles Croix de vie, VENDEE, PAYS DE LA LOIRE, FRANCE

jusqu'au moment où deux gars sont arrivés,

et ont commencé à  me draguer

( j'étais grande...).

Affolée, j'ai sauté du blockhaus,

en leur disant :

"vous n'avez pas honte de vous attaquer

à une gamine de 12 ans,

je vais faire ma communion cette année"

Cela les a stoppé net !

Mais j'ai été très perturbée .

J'ai rassemblé la fratrie,

et nous nous sommes réfugiés dans un bosquet,

où nous nous sommes raconté des histoires,

jusqu'au retour de ma mère.

La fois suivante, nous sommes allés directement

dans le même bosquet, où nous étions cachés des regards.

 J'ignore comment mon frère et mes sœurs

ont  vécu cette "aventure".

Bon maintenant des  immeubles ont remplacé les dunes,

et les blockhaus ont été enlevés. 

A la maison, personne ne parlait de toi.

Pourtant, malgré mon jeune âge,

(3 ans) à l'époque,

je me souviens du jour de ta mort.

Notre mère hurlant à l'étage :

" Joël, Gabrielle est morte"

Notre père répondant :

" Tu es folle, ce n'est pas possible" !

Et puis un trou, que j'imagine être 

celui de ta tombe.

Jusqu'à ce que j'entame la généalogie

de la famille,

je ne savais pas si tu étais née en 1960 ou 1961.

Je suis née en 1958, une de nos sœurs en 1959,

et tu es née avant notre frère qui est de 1962;

donc ne restaient que 1960 ou 1961 !

Je sais maintenant que tu es née le 22 juin 1961 à Bernay (27)

et décédée le 13 septembre de la même année.

A peine 3 mois, mort subite du nourrisson.

Seules traces de ton passage sur terre,

deux ou trois photos,

dans les bras de notre mère.

Dont celle-ci

prise chez nos grands-parents maternels à Saint Martin du Bec (76)

Nos parents n'ont pas le culte des tombes,

je me demande même si ils sont retournés un jour sur la tienne...

Je pense qu'elle se trouve à Fontaine-Chaalis (60), 

puisque c'est là que nous habitions à l'époque,

chez un abbé qui nous logeait,

alors que notre père effectuait un remplacement 

dans la région.

Cet abbé a continué à rendre visite à nos parents

durant plusieurs années,

j'imagine que c'est lui qui prenait soin de ta tombe...

Il faudrait qu'un jour j'ai le courage de demander à notre mère,

mais vois tu, je n'avais jamais osé la questionner

quant à l'année de ta naissance,

alors lui parler de ta tombe...

Et pourtant, parler des disparus

les maintient dans notre mémoire.

58 ans après, je pense à toi ma sœur. 

Bien que le ciel soit nuageux, aujourd'hui,

ce n'est pas de cela dont je veux vous parler.

Hier, nous fêtions en surprise,

les 60 ans de l'ex femme de Zhom.

Ses fils avaient organisé un repas

dans un bon restaurant au milieu des vignes de Tain-l'hermitage.

Bien qu'ils aient pensé que la surprise

n'en serait plus une, tellement ils ont gaffé,

leur mère a eu sa petite larme, et en a laissé tomber

son sac en sortant de la voiture.

La journée a été belle, le repas bon,

même si Zhom n'a pas été fan de la cuisine moderne...

Nous avons même eu le droit à de la musique,

puisqu'un des petits fils joue de la batterie,

batterie qui avait été transportée par ses parents pour l'occasion.

Pourquoi les nuages, alors ?

Il y avait aussi la maman de l'heureuse sexagénaire.

Elle a eu 90 ans, fin 2018.

Jusque là, elle allait très bien.

Mais plusieurs chutes, et beaucoup de douleurs,

l'ont plongée dans un autre monde.

Elle attend son mari qui est mort il y a 12 ans.

Elle nous a demandé durant le repas

quel âge avait sa fille.

Au retour, elle était contente,

elle avait bien mangé.

Elle nous a dit :

"Çà chasse les nuages". 

Vignes côté Drôme, en face l'Ardèche.